Nadya/Bertaux

sculpteure

Youssef Amghar
Écrivain, Photographe

Il a publié
"Il était parti dans la nuit"
"Le vieux palmier"
Aux Éditions L'Harmattan

> Youssef AMGHAR

Entre-temps

 

Le temps passe comme un envol, comme une étoile filante qui transcende le regard. Je me bats tous les jours, et tous les jours je balbutie. Ce temps est mon temps. Je le consume. Je le dilapide, je le brûle. Je dénoue mes silences et je pense à mon père, comme à une onde frêle qui se fraye un chemin dans mes souvenirs en feu. je pense à sa douleur écrite en lettres obscures qu'il m'adressait sur la pénombre des jours "perdus". Berceau étrange qui vogue dans l'univers ineffable. Le temps perturbé !
L'éclair dans le ciel sombre qui transperce les nuages et les regards. Il vient de nulle part et se dénoue quelque part dans le silence de l'obstination. Un signe. Une vibration. Une émotion. Je vis.
Dans ma peau se rencontrent mille et une étoiles et quelques énigmes. Je voudrais troquer ma minute contre un instant de ton regard. Tu ne vois pas ? Je suis ici et là-bas tout rêve ouvert, toute parole bue, ivre jusqu'à l'immobilité éternelle ! Il y a quelque part dans la quiétude de la lune quelque chose d'insolent. Je me glisse dans cette lumière venue d'ailleurs pour me signifier à toi, à ton propre délire qui n'est pas le mien.
Transcender le visible pour accéder à l'intime frémissement. Au bout du fer à béton surgit un nouveau départ. L'oeil en guise de béquille frétille dans le chemin, un autre sentier de chèvre, une autre rencontre. Je viens d'un rêve-éclair et j'habite ici à l'ombre des points de suspensions, comme toi mon semblable. • L'écume au sommet de la vague se déchire sous le soleil et épouse l'horizon. Ni moment de tristesse, ni moment de bonheur, juste un signe fort de l'indicible transe, une manifestation du temps fertile qui glisse sans couleur. Il glisse entre la spirale et la tranche, juste là où se dessine le secret de l'éclair qui traverse mon corps. Je me débats, je tressaille dans la fosse commune pour sculpter les ondes éphémères. Tout est éphémère, même les souvenirs d'une caresse chaude s'évaporent comme un parfum.
Tout est éphémère, même la mémoire que l'on creuse à coup de tatouages et de rêves.
Tout est éphémère, même la nuit qui semble revenir entre deux reflets téméraires. Il n'y a que la lumière éthérée et notre piste adirée qui se croise et se décroise au hasard des envols.
Moment rare, moment singulier, c'est le chant fébrile d'une rencontre sous ma tente de nomade. Un instant pour accaparer ton regard vulnérable, insolemment.

Youssef Amghar, 1995